La justice homologue un accord très coûteux pour le personnel de l’AFPA

Au bout d’une année de procédure judiciaire, l’AFPA, les banques et l’Etat ont signé un protocole d’accord, homologué par le TGI de Bobigny le 4 Juin.

A SUD FPA nous pensons que le personnel a le droit de savoir la réalité des faits, tels qu’ils sont.

C’est la moindre des choses puisque c’est lui qui va payer.

L’audience d’homologation

 Elle avait lieu le 30 mai à 14 h 30 au TGI de Bobigny à huis clos.

  Les acteurs :

  •  Le tribunal (3 juges, une greffière et le représentant du procureur de la République),
  • le DG de l’AFPA, Estampes et l’administrateur judiciaire, Maitre Philippot, en charge de l’AFPA depuis la première procédure judiciaire déclenchée par Caïla le 12/06/2012, une avocate de l’AFPA, un avocat des banques et une représentante d’une banque,
  • un représentant de l’APE (Agence des participations de l’Etat) du Ministère de l’Economie et une représentante du Ministère du Travail,
  • et 4 représentants du Comité Central d’Entreprise de l’AFPA

 Déroulement de l’audience

 Après l’appel des parties, la juge résume l’affaire. Puis en vient aux 3 conditions nécessaires (L 611-8 du Code de Commerce) pour que l’accord soit homologué :

  • l’entreprise n’est pas en cessation de paiements
  • l’accord permet de pérenniser l’activité
  • les intérêts des créanciers non signataires de l’accord ne sont pas lésés par l’accord

 Elle demande au conciliateur de l’en assurer. Puis la juge présidente donne la parole à l’avocate de l’AFPA, et ensuite aux représentants du CCE.

Les représentants du CCE (4) avaient été désignés par le CCE le 28 mai, soit à peine 2 jours avant l’audience. SUD FPA avait pourtant demandé – en vain – que la réunion du CCE soit avancée d’une semaine. En plus la direction, peut-être innocemment, avait laissé croire que le nombre de représentants serait seulement de 2.SUD FPA avait dû batailler lors du CCE pour que ce nombre soit porté à 4.

 Le 29 ou le 30 mai, les représentants du CCE avaient eu 2 heures de temps pour prendre connaissance de l’intégralité du protocole d’accord (35 pages) et de ses annexes, au greffe du TGI en présence de la greffière qui n’était pas sortie de la pièce tout le temps de leur présence. La direction de l’AFPA avait transmis le 28 au CCE une synthèse très succincte et bien édulcorée de ce protocole.

Parmi les 4 représentants du CCE, certains étaient partisans de ne rien dire à l’audience, de peur de faire échouer l’homologation.

Le bureau de SUD FPA avait par contre mandaté son représentant pour déplorer la solution trop bancaire, le manque de subventions publiques et les conséquences lourdes pour le personnel du protocole, tout en notant le retour relatif de l’Etat et pour exprimer l’espoir que l’Etat accroisse encore plus son poids alors que le chômage s’étend.

Pour terminer, le représentant du procureur de la République appuie l’homologation :”car un organisme comme l’AFPA est important dans le contexte actuel…”, constate les mesures « drastiques » Et appelle à « une grande vigilance sur la trésorerie surtout que des fonds publics sont en jeu ». « Une ère nouvelle s’ouvre.”

 La juge clôt les débats avec délibéré au 4 juin.

 Le jugement

Le tribunal a donc rendu son jugement le 4 juin. Il homologue le protocole.

Le 4 juin en fin d’après-midi, l’AFPA sur Agora évoque l’entrée en vigueur du protocole mais n’emploie même pas les mots d’homologation, ni de tribunal dans sa présentation.

Le jugement d’homologation que SUD FPA est allé lire au greffe le 6 juin énonce que :

  • L’AFPA n’est pas en cessation de paiement. Le tribunal s’est donc assuré que l’actif disponible était supérieur au passif exigible.
  • La pérennité de l’activité est assurée au vu du plan de refondation et du rapport Mazars. Pour le tribunal ces deux documents sont donc indissociables, ce qui peut faire dire au CCE, qui n’a pas eu connaissance du rapport Mazars, qu’il a été mis dans l’ignorance d’informations essentielles à ses avis. Aurait-il été trompé ?
  • Les intérêts des créanciers non signataires (Dexia, URSSAF, Taxe sur les Salaires, Humanis, ProBTP) ne sont pas lésés parce que le protocole et ses annexes en prévoient le paiement.

En dernier lieu, le jugement détaille les garanties apportées par l’AFPA (principalement les BEA) aux banques anciennes et nouvelles et celles apportées par les banques (anciennes et nouvelles) à la société d’affacturage.

 Le protocole et ses annexes

 Pourquoi cette homologation ? La sortie d’une procédure de conciliation ne l’implique pas nécessairement. Elle a été exigée par les banques qui en ont fait la condition sine qua non de validité du protocole. Car elle leur accorde plus de garanties.(voir encadré)

Article L611-11 du Code de Commerce : « En cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans l’accord homologué mentionné au II de l’article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances …. »

 Quel est donc l’esprit de ce protocole ? En quelques mots, les banques ne voulaient pas s’engager parce que l’AFPA présente trop de risques et n’a aucun fonds propres (confirmé par le rapport Mazars) : l’Etat a donc joué de tout son poids pour que les banques prêtent un peu. Mais elles se sont entourées du maximum de garanties.

C’est une solution de court terme.

  •  Le protocole ne concerne que les 3 premières années du plan de refondation.
  • Les banques qui devaient apporter 150 M € en prêts moyen terme n’en prêtent plus que 90 M dont seulement 10 M en 2013, au compte-gouttes.
  • l’Etat (probablement pour rester dans la proportion imposée par Bruxelles entre apports publics et apports bancaires) prête 200 M € au lieu des 230 prévus.
  • Par rapport au plan de financement du plan de refondation, il manque donc pour les 3 premières années 90 M €.
  • absence en partie compensée par des avances à très court terme, basées sur des bons de commande publique et la facturation qui doit s’en suivre. Avec des taux d’intérêts élevés.
  • En plus pour présenter le maximum de garantie, les investissements sont fléchés vers les sites qui feront l’objet de BEA, hypothéqués.
  • Les BEA ne sont pas octroyés par l’Etat pour l’intérêt public de la formation professionnelle, mais pour que l’AFPA valorise ces biens immobiliers.
  • L’AFPA doit rationaliser ses dispositifs d’hébergement et de restauration et conclure des partenariats avec des organismes de logement social
  • Et pour couronner le tout, des consultants Mazars (payés bien sûr par l’AFPA) sont chargés de surveiller les indicateurs de gestion comme le lait sur le feu ! (Chiffre d’affaires, Excédent Brut d’Exploitation et surtout trésorerie auscultée chaque mois sous toutes les coutures.). A la première sortie de route, l’AFPA doit très rapidement prendre des mesures dites complémentaires, encore plus sévères, ou bien tout rembourser !

 Le rapport Mazars

 Il presse l’AFPA à continuer à s’engager durablement sur le marché des formations d’adaptation, qualifié de marché relais de croissance.

 Il répertorie les « mesures douces » prises pour réduire la masse salariale, par exemple le quasi non remplacement des personnels non formateurs.

 En plus du taux d’absentéisme très élevé, il pointe 4 risques majeurs pour l’AFPA :

  •  Paiement de la taxe foncière pour les sites AFPA
  • Augmentation des primes d’assurance sur les sites en BEA
  • Montée en charge du marché privé plus lente que prévue
  • Erosion du marché des Conseils régionaux

 Selon Mazars, l’équilibre général du plan de refondation se joue en 2013 avec le renouvellement des appels d’offre des Conseils Régionaux et avec la connaissance des premières tendances des réactions des marchés privés aux efforts commerciaux de l’AFPA.

 En conclusion

 Le redressement des finances de l’AFPA contraint l’activité de l’AFPA. Le pilotage de la trésorerie et la création de garanties pour les banques (BEA et bons de commande) décident de tout.

 Politique salariale ? Mazars décide ! Remplacement d’un formateur ? Mazars décide ! Egalité professionnelle ? C’est encore Mazars qui décide !

 Investissements sur les plateaux techniques ? Oui mais la valorisation du patrimoine de l’Etat passe en premier !

 Vous avez dit Pédagogie ? On nous répond « Affacturage ! »

 Pendant au moins 3 ans, le personnel de l’AFPA va devoir courir après les bons de commande – sans moyens, – puis après la réalisation des commandes -sans moyens-, puis après la facturation -sans moyens…Chacun va courir sans moyens, les commerciaux, les assistantes techniques, les formateurs, les ingénieurs, …le fonds de roulement qui manque est remplacé par la course perpétuelle du personnel, c’est lui qui va rouler…

 Ce protocole est par essence une machine à risques psychosociaux. Les garanties des banques, ce sont au final les risques psychosociaux du personnel.

 SUD FPA réclame :

1)l’information du CCE sur le rapport Mazars et sur les engagements de l’AFPA envers les banques

2)l’information des CHSCT sur les risques psychosociaux créés par le plan de refondation et le protocole, leur inscription dans les DU, la définition et la mise en œuvre d’actions de prévention.

 Le personnel doit obtenir des garanties contre les nombreux risques qu’il va courir tous les jours.

18 juin 2013 3:40 Publié par