Sauvetage de l’AFPA par le gouvernement (3) : dettes, mensonges et idéaux…

Le feuilleton du sauvetage de l’AFPA par l’État n’en finit pas de rebondir. Après la rumeur du dépôt de bilan du 8 janvier, savamment entretenue par le Président Barou « pour contribuer à mettre un peu de pression », après l’annonce de « l’engagement fort » de l’État par le premier ministre en personne à Caen le 14 janvier, après l’échec du protocole d’accord entre les banques et le CIRI le 21 février, confirmé le 21 mars, on n’a toujours pas vu le signe d’un changement dans la dégringolade de l’AFPA, pas plus qu’on a vu le premier euro censé sauver l’AFPA. Pendant ce temps là, les nuages continuent de s’accumuler… Mais comme dit le Président Barou : « D’ici juin, on n’aura plus de trésorerie, alors il faudra bien qu’il se passe quelque chose. Je suis confiant ! ». C’est beau, les contes de fées. Les comptes tout court un peu moins. État des lieux.

L’AFPA doit du pognon à plein de monde. À ses salariés en premier lieu !

Car il faut savoir que l’accord sur les salaires 2011 n’est encore pas honoré à ce jour par la direction : le compte n’y est pas[1]. À cela, il faut ajouter la dette sociale de l’AFPA des cotisations non payées (URSSAF, Caisse de retraite complémentaire, Caisse de complémentaire santé) et les ardoises qui trainent ici et là chez nos fournisseurs. Et encore, dans cet inventaire, il manque la négociation qui doit s’ouvrir sur le rattrapage du pouvoir d’achat des salariés, l’enveloppe pour les augmentations de salaire 2013. Le gel des salaires depuis plusieurs années maintenant n’est plus acceptable. Pas plus que l’argument selon lequel on ne peut pas demander aux banques du crédit pour augmenter les salaires. Et puis il y a la T9 qui coûte annuellement l’équivalent de ce que produisent plus de 20 formateurs à temps plein dont on a bourré les sessions de formation. Et puis il y a ce phare de la pensée unique dont on croyait qu’il nous avait quitté en juillet 2012 et qui continue de vivre aux crochets de l’AFPA : les cubains ont Fidel et Raŭl, les anglais ont le Prince Charles et la Reine Elisabeth II, les catholiques ont Benoît XVI et François (1er), à l’AFPA, on a Philippe et Hervé[2].

Comme on peut le constater, ce ne sont pas les « quelque » 110 millions promis par le gouvernement qui vont nous sortir de l’ornière dans laquelle nous a plongés la régionalisation de la formation professionnelle[3]. C’est pour cela que la BNP-Paribas renâcle à signer le protocole qui l’engagerait à soutenir financièrement l’AFPA. C’est pour cela qu’il faut impérativement trouver un autre pool bancaire[4] pour compléter les ressources financières de l’AFPA. Comme l’annonçait le Président Barou au cours du Conseil d’Administration de l’AFPA du 17 janvier 2013, «  la marge de manœuvre que nous avons en termes de mois de salaire est toujours supérieure à un mois de salaire ; cela varie entre 1,1 et 1,8, mais nous avons toujours au moins un mois de salaire devant nous ».

Mais ça, c’était avant !

On nous aurait menti ? C’est forcément à l’insu de notre plein gré.

 

Nouvelle définition, extraite du Petit SUDiste Illustré & en couleurs (Éd. 2013) :

 

 Cahuzac [kahuzak] (n.f.) : attitude d’une personne qui veut endormir la représentation (nationale ou du personnel) en racontant des bobards gros comme elle, parce que cette personne pense que ses interlocuteurs sont des blaireaux qu’on peut baratiner sans qu’ils s’en rendent compte. La cahuzac s’exécute généralement les yeux dans les yeux. « Tiens, je ne serais pas surpris d’apprendre que le directeur général nous a fait une cahuzac en plein Comité Central d’Entreprise avec son histoire de BEA ».

 

Tiens, à propos des baux emphytéotiques administratifs (BEA), si ça n’avance pas très vite du côté de l’AFPA, il y en a pour qui la procédure s’accélère. Après avoir visité l’ensemble des locaux AFPA des régions Ile de France et Rhône-Alpes entre le 3 et le 28 mars, ADOMA et la SNI ont posé leurs jalons sur les pépites qu’elles ont trouvées. 2 sites les intéressent tout particulièrement en Ile de France :

  •  Neuilly sur Marne, dont ADOMA semble avoir eu des garanties par l’AFPA que les bâtiments seraient bientôt libérés. Site très bien entretenu, dont les locaux actuels pourraient très facilement être transformés pour devenir une résidence sociale. Par ailleurs, il reste suffisamment de place disponible pour construire une deuxième résidence sociale sur le site. Que du bonheur !
  • Le Siège de l’AFPA à Montreuil. Enfin, pas tout le Siège. Juste le bâtiment C, celui qui abrite le SEDEX et les locaux syndicaux. La seule « difficulté » vient du parking en sous-sol, qui nécessite un acte administratif supplémentaire : la division en volume[5]. Dès lors, l’État (ou l’AFPA en cas de dévolution qui ne serait pas retoquée) serait propriétaire du parking en sous-sol et des bâtiments A, B et E, ADOMA serait propriétaire du bâtiment C et du parking en surface. Là encore, pas de difficulté majeure pour transformer les locaux en résidence sociale, selon les experts qui ont visité le site.

     

    Cerise sur le gâteau, la SNI et ADOMA devraient recevoir jusqu’à plusieurs centaines de millions d’€ en subventions de l’État[6] pour les aider à rénover le patrimoine qu’elles vont récupérer de l’AFPA. À comparer aux 110 millions d’euros « généreusement » prêtés à l’AFPA pour la formation des chômeurs ! À croire que le Ministère du Logement a plus d’importance que n’en a eu le Ministère délégué à la Formation Professionnelle. À moins que la seule chose qui ait intéressé notre ancien ministre de tutelle ait été la sauvegarde des hébergements de l’AFPA au titre du logement social, son cheval de bataille lorsqu’il était sénateur de l’opposition. Depuis, notre ministre est parti vaquer ailleurs… sans que son remplacement à la Formation Professionnelle des Adultes n’ait été jugé utile.

    Et pendant ce temps là, notre directeur général ne voit rien ou ne veut rien voir venir de tout cela. À qui « on » fait croire que l’AFPA restera la seule titulaire des BEA y compris des parcelles hébergement, ce qui lui permet d’être catégorique lorsque, interpellé en CCE du 26 mars, il nous affirme « les yeux dans les yeux » que l’AFPA va conserver ses hébergements y compris dans le cadre des BEA. Il nous a même certifié que c’est l’AFPA qui, une fois les BEA signés avec l’État, signerait des BEA à son tour avec ADOMA pour la seule partie des hébergements. Même si c’est un peu par défaut qu’il avait été retenu comme DG, on pensait que c’était une garantie d’avoir un magistrat à la tête de l’AFPA, issu de la chambre régionale des comptes qui plus est. Mentir à un juge, ça va chercher dans les combien ? À moins que le directeur général ne soit lui aussi atteint de cahuzac ! Et mentir au personnel ?

    siège AFPA

Le Siège de l’AFPA à Montreuil : la future résidence sociale exposée sud-ouest, avec son parking en surface.

site neuilly marne

Neuilly sur Marne : une résidence sociale avec court de tennis, ça en jette !

 

Par sa pédagogie, par ses services associés à la formation, l’AFPA doit rester une référence pour la formation professionnelle des adultes. Le reste n’est qu’enfumage.

Quand ils ont voté la régionalisation de l’AFPA, la gouvernance n’a rien dit. Quand ils ont dégagé les psychologues de l’AFPA à Pôle Emploi, la gouvernance n’a rien dit. Quand ils nous ont pris l’hébergement, la gouvernance n’a rien dit. Et puis un jour, la gouvernance a dit qu’elle n’était pas d’accord. Mais il n’y avait plus d’AFPA à défendre.

En attendant ce moment, il faut bien trouver des solutions pour sauver les apparences. Dernière en date : les critères d’utilité sociale. Alors l’idée, c’est de prouver l’utilité sociale de l’AFPA. Pour SUD FPA Solidaires, vouloir « prouver l’utilité sociale de l’AFPA »,c’est tout simplement nier les soixante ans d’histoire de l’AFPA et les millions de personnes formées et réinsérées dans la société tout au long de ces années. Chercher à prouver l’utilité sociale de l’AFPA, c’est avouer qu’on n’en est pas sûr. C’est surtout une insulte aux professionnels qui se sont investis toutes ces années dans la mission sociale du service public de l’emploi portée par l’AFPA. Et tout ça pour quoi, pour convaincre … on ne sait pas trop qui, d’ailleurs. L’État ? Il était déjà convaincu de l’utilité sociale de l’AFPA. Mais la formation des chômeurs, ça ne l’intéresse plus. Les Conseils Régionaux alors. Sauf que le social, ça n’est pas une compétence des conseils régionaux. Eux, ce qu’ils veulent, ce sont des organismes de formation, qu’ils puissent mettre en concurrence, pour obtenir le moins cher, offrant les parcours de formation les plus courts. La qualification ? Préoccupation secondaire. Ce qui compte, c’est l’employabilité, pour répondre au plus vite, aux besoins de main-d’œuvre des employeurs de leur territoire et seulement de leur territoire. La solidarité nationale, ni même inter-régionale, n’est pas non plus une de leurs préoccupations. Les banquiers ? Eux, ce qui les intéresse, c’est le chiffre d’affaire. Les critères qu’ils auscultent à la loupe, c’est l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE = produits – charges d’exploitation), la réduction des charges de fonctionnement, des garanties sur les investissements. Restent les « partenaires » sociaux, ceux qui gèrent les fonds des OPCA. Eux ont bien une vision globale des besoins de qualification pour chacune des branches et des métiers sur l’ensemble du territoire national. Sauf que, on chasse sur les terres du MEDEF et qu’en tant que membre de la gouvernance de l’AFPA, on n’a pas forcément un allié objectif pour nous aider à trouver de l’activité.

On le voit, on est encore loin d’avoir une solution qui émerge et qui garantisse la survie de l’AFPA. Que ce soit l’État qui annonce qu’il a sauvé l’AFPA mais se contente de souscrire des obligations à un taux d’usurier, que ce soient les Conseils Régionaux qui promettent qu’ils ne veulent pas notre disparition mais réduisent leurs enveloppes de formation, que ce soient les banquiers qui veulent le retour à l’équilibre économique le plus rapidement possible, il n’y en a pas un qui parle de la mission de l’AFPA : l’accueil et la qualification au premier niveau du métier des personnes les plus éloignées de l’emploi. Des ateliers de formation à moitié vides, quand ils ne sont pas purement et simplement fermés, alors que les destructions d’emploi génèrent 1 000 chômeurs supplémentaires par jour. Et ce n’est pas l’acte III de la décentralisation qui apportera une amélioration : en mettant les relations AFPA-Pôle Emploi sous le joug des Conseils Régionaux, c’est un filtre supplémentaire qui bloquera les chômeurs vers la formation longue, qualifiante et certifiante. Si on laisse faire, tout ce qui restera de l’AFPA dans quelques temps, ce sont les hébergements qui auront été donnés à ADOMA. Dans sa tentative de sauvetage de l’AFPA, REPENTIN aura concentré ses efforts sur ce qui lui tenait le plus à coeur : le logement social. Pour le reste, l’État, les Conseils Régionaux, les représentants des organisations syndicales patronales, les représentants des confédérations syndicales salariales, tous membres de la gouvernance, auront tout loisir de se renvoyer la responsabilité de ce désastre.

Pour SUD FPA Solidaires, il n’est pas encore trop tard, mais la décision politique demande du courage : abrogation des lois de 2004 concernant l’AFPA et retour à la subvention publique d’État, au sein d’un grand SERVICE PUBLIC de l’Emploi. L’Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes ne doit pas finir comme Florange, Pétroplus et tant d’autres.

 [1]    SUD FPA est reconnu pour ne pas signer d’accord avec l’employeur à la légère. Aussi, nous entendons que les quelques-uns que nous signons soient respectés par la direction, quitte à en découdre devant les tribunaux.

[2]    Caïla et Estampes, directeurs généraux successifs et sauveurs autoproclamés de l’AFPA.

[3]    C’est bien depuis les lois de 2004 transférant aux Conseils Régionaux la compétence formation des adultes que l’AFPA a amorcé sa descente : pertes de financements succèdent au non remplissage des formations et vice-versa.

[4]    La Banque Postale et la Caisse d’Épargne ont été sollicitées pour soutenir l’AFPA. Pas de réponse à ce jour.

 [5]    Le droit de la propriété en France reconnait au propriétaire d’une surface la propriété également du terrain qui se trouve en dessous. Lorsqu’on veut qu’il en soit autrement, il faut procéder à une division en volume : un géomètre intervient pour délimiter à quelle profondeur s’arrête la propriété de surface, puis le passage devant le notaire valide le partage. Ce cas est très fréquent lorsque, par exemple,des bailleurs construisent des parkings souterrains qui se prolongent sous la voie publique.

 [6]    Le fait que la Caisse des Dépôts et Consignation soit l’unique actionnaire de la SNI elle-même actionnaire d’ADOMA n’est peut-être pas étranger à cette largesse accordée par le Ministère du Budget.

 

30 avril 2013 2:04 Publié par