EPIC nique

Transformer l’AFPA en EPIC ne sera pas un long fleuve tranquille

Alternatives économiques Michel Abhervé

EPIC nique

En tous cas la présentation par la direction de cette évolution comme la résolution de tous les problèmes de l’institution mérite, pour le moins, un peu de relativisation, et il aurait été prudent d’attendre avant de sortir le champagne, pourtant abondamment servi dans les directions pour se féliciter de l’issue favorable enfin trouvée et fêter l’arrivée de la nouvelle AFPA

Il est vrai que cette annonce rompait heureusement avec l’attentisme de ces deux dernières  années que nous avons eu l’occasion de déplorer dans ce blog (voir AFPA : il faut passer des déclarations aux actes, AFPA : on n’est pas sorti de la difficulté, Alerte pour l’AFPA etAFPA : nous ne sommes pas sortis de la crise)

Car la mise en œuvre  de cette décision n’a rien d’évident et va supposer que soient trouvées un certain nombre des solutions à des questions à ce jour non ou incomplètement résolues, ce que n’ont pas manqué de relever plusieurs organisations syndicales. Nous allons en lister quelques unes sans prétendre être exhaustif (voir AFPA : l’EPIC au terme d’une longue marche)

Pourtant, comme nous l’avons évoqué  dans ce blog, cette annonce a une vertu, l’acceptation, certes tardive, que le statut associatif historique de l’AFPA n’avait pas de sens (voir  Pour le Conseil d’Etat, l’AFPA est une agence de l’Etat, et ne doit plus être une association etAFPA, service public ou structure de l’ESS ?)

Elle devrait permettre des avancées sur le dossier insoluble dans le cadre juridique précédent du patrimoine (voir Un nouvel épisode dans le feuilleton du patrimoine de l’AFPA), même si celui-ci doit faire l’objet d’une approche différentielle : il est des bâtiments récents opérationnels, mais il est aussi beaucoup de bâtiments anciens, mal entretenus, qui se sont dégradés et doivent être mis aux normes actuelles : élimination de l’amiante, isolation,

La discussion va être âpre avec l’État propriétaire qui acceptera difficilement de voir d’un côté l’AFPA refuser de prendre la propriété de certains ensembles peu fonctionnels tout en devenant gratuitement propriétaire de terrains permettant par leur situation des opérations immobilières

 La division entre l’EPIC et sa filiale

Le projet se fonde sur une distinction entre un Établissement Public, en charge de missions de service public, et une filiale, en charge des activités concurrentielles.

Mais comme le dessin ci dessus emprunté à Sud AFPA le montre la question du poids respectif de l’un et de l’autre se pose, avec un enjeu de taille : il est évident que la mission de service public (certification, ingénierie des titres …) est d’un côté, l’activité en direction des entreprises de l’autre, mais qu’advient-il de l’activité de formation des publics “éloignés de l’emploi” qui est au cœur de l’activité de l’AFPA ?

Le concept de publics éloignés de l’emploi est juridiquement flou, puisque cet éloignement varie sensiblement selon la situation du marché de l’emploi  ce qui n’est pas sans conséquences

Cela permet deux interprétations fort différentes, celle du président de l’AFPA qui envisage 80 % de l’activité pour l’EPIC et celle du ministre qui serait plutôt de l’ordre de 20 % pour l’EPIC.En tous cas une clarification s’impose

Le rôle des régions

Le rôle des conseils régionaux en matière de commande de formation des demandeurs d’emploi a été conforté par la loi, et la tendance est à la création de groupements de commandes avec Pôle emploi là où ils n’existaient pas.

Or, non seulement l’État n’a pas d’ordres à donner aux régions qui peuvent continuer à pratiquer les modes d’achat qu’elles souhaitent, mais c’est l’État qui a par une transcription particulièrement contraignante des directives européennes imposé le marché public comme pratique quasi exclusive en matière de commande de la formation professionnelle. Et si elles étaient tentées de trop s’en écarter ne seraient-elles pas contraintes par le conseil de la concurrence de s’y soumettre ?

Les régions accepteront-elles de réaliser leurs commandes auprès de l’EPIC AFPA par la voie de la subvention ? Rien n’est moins sur que l’acceptation que la formation des demandeurs d’emploi pourrait être, pour le principal organisme de formation hors du champ concurrentiel qui continuerait à concerner tous les autres organismes de formation

Le statut de la filiale

La seule chose qui soit certaine, c’est que ce qu’a esquissé le président, Yves Barou, n’est pas possible. Une filiale à 100 % d’un structure publique ne peut être dans le champ de l’ESS

Quant à une SCIG, ce qui n’existe pas et  qui devrait sans doute être une SCIC , elle est, par nature, pluri partenariale et ne peut être une filiale à 100 % de qui que ce soit, avec un président de droit

Ce qui est curieux c’est que  la volonté de se situer cette filiale dans le champ de l’ESS n’ait pas été accompagné d’un travail pour en comprendre la logique, ce qui tendrait à conforter l’hypothèse d’une improvisation de l’annoncé

L’acceptabilité par l’Europe

Il semble que ce point reste peu balisé et que le dossier ne sera présenté par l’État français aux services de la commission européenne en fin d’année 2015, ce qui laisse espérer une réponse au mieux pour la mi 2016

La question de la qualification ou non comme aide d’État de la cession gratuite d’un patrimoine qui n’est pas sans valeur sera certainement complexe et sera lié à une attention très grande à ce qu’elle soit très clairement liée au seul exercice d’activités de service public, ne pouvant être organisées dans un cadre concurrentiel

Le calendrier

Vouloir comme cela est annoncé négocier une Convention Pluriannuelle d’Objectifs et de Moyens entre l’État et l’AFPA à l’automne 2015, avant même que le dossier ne soit déposé à Bruxelles ne peut que poser problème et annoncer son intention de la signer avant la réponse européenne, et donc d’engager l’État français pour 5 ans  ne peut qu’interroger sur la rationalité de ce calendrier

Quant aux régions, il est difficile de penser que des engagements durables pourront être pris avant la mise en place des nouvelles équipes élues, soit en début 2016, surtout dans les régions fusionnées, où des pratiques différentes devront, après expertise, être harmonisées

En attendant

La question de l’équilibre de l’activité pendant les années 2015 et 2016 est clairement posée, et les premiers chiffres sur 2015 ne peuvent qu’inquiéter, avec une estimation d’un retard sur le  prévisions de l’ordre de 12 millions d’euros à la fin avril

Comme tous les organismes de formation, l’AFPA subit en ce moment la baisse de commandes liées au passage chaotique du DIF au Compte Personnel de Formation, avant que l’impact positif du CPF, avec en particulier le soutien aux formations certifiantes ne puisse produire l’effet attendu, qui pourrait soutenir l’activité de l’AFPA

Au fond il est peut-être raisonnable d’avoir sabré le champagne dès l’annonce de l’engagement de l’évolution de l’AFPA, car les occasions de le faire dans les mois à venir risquent d’être peu nombreuses. En tous cas ce ne sera pas un long fleuve tranquille

16 juin 2015 2:46 Publié par