2020 : la lutte n’est pas terminée (bien au contraire)

Le 13 décembre 2019, la DIRECCTE a homologué le PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) présenté par l’AFPA. Certains pouvaient penser que c’était la fin de la procédure démarrée en octobre 2018… Les combats de 2018 et de 2019 pouvaient paraître du passé…

Pour SUD FPA, avec la décision de la DIRECCTE, les problèmes de 2019 ne se sont pas évaporés, bien au contraire, cette décision les rend plus tangibles !

Le PSE et ses conditions étaient déjà une atteinte aux droits des salariés en 2019. Sa mise en œuvre – comprenant notamment des petits arrangements entre amis – et ses conséquences à venir sur notre travail le sont tout autant en 2020.

SUD FPA démarre donc l’année par la saisine du tribunal administratif (TA[1]) afin de faire annuler cette homologation. Et nous ne sommes pas les seuls : la CGT ainsi qu’une trentaine de salariés attaquent également la décision de la DIRECCTE.

Un combat pour la défense des intérêts des salariés de l’AFPA

Ce combat concerne en premier lieu les 8 000 salariés de l’AFPA, permanents précaires et précaires permanents, et en priorité les salariés licenciables et les salariés appelés à rester.

Le monde du travail se trouve face à un État néolibéral, et l’AFPA, une fois de plus, lui sert de laboratoire (anti)social.

Depuis les lois de « sécurisation de l’emploi » en 2013, dites lois Macron et Rebsamen, ce ne sont plus les tribunaux qui jugent de la validité d’un plan de licenciements, mais l’administration, par le truchement d’un avis rendu par la DIRECCTE, administration du Ministère du Travail. Aussi comme l’AFPA est un EPIC sous la tutelle du Ministère du Travail, l’AFPA et la DIRECCTE ont la même patronne, Muriel Pénicaud. C’est Muriel Pénicaud qui a ordonné le plan de licenciements et c’est Muriel Pénicaud qui a homologué le PSE. Main gauche et Main droite !

Autant la JUSTICE est en principe indépendante, autant l’ADMINISTRATION est aux ordres. Et dans le cas de l’AFPA, elle l’a clairement démontré : malgré un dossier complet, transmis par nos soins, recensant toutes les infractions au Code du Travail repérées dans le PSE de l’AFPA, la DIRECCTE l’a homologué. Et dans un temps record en n’utilisant même pas le délai de 21 jours pour instruire le dossier et sans même nous recevoir ! En 14 jours, l’avis était rendu.

…Et des intérêts des salariés des EPIC

L’ensemble des salariés des EPIC qui par définition dépendent tous d’un ministère peut connaître le même traitement : ne pas avoir de garanties de neutralité de la part de la DIRECCTE si leurs dirigeants mettent en œuvre un plan de licenciements.

Un enjeu de taille : créer une jurisprudence pour l’ensemble des salariés

Ce combat intéresse aussi les quelque 20 MILLIONS de salariés du secteur privé, car au final, il s’agit bien, pour le Ministère du Travail, d’envoyer un signal fort aux patrons : « Allez-y, virez qui vous voulez et comme vous voulez, on ne vous fera pas de problème, nous-mêmes l’avons fait au sein de notre propre EPIC ! » Si l’exemple donné d’un plan de licenciements hors la loi, organisé par le Ministère du Travail, devient la norme, alors plus rien ne protègera les salariés de patrons peu scrupuleux de respecter les règles.


Parmi les motifs d’annulation de l’homologation, citons :

Les catégories professionnelles : Elles doivent regrouper les salariés exerçant des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. En fait, les salariés d’une même catégorie doivent pouvoir se remplacer mutuellement. Que dire, 1 exemple parmi tant d’autres, de la catégorie professionnelle « Coordination Comptable » qui regroupe allègrement les emplois de « Responsable d’unité Gr.1 », « Manageur N1 » à « Manageur N4 » et même « Directeur Gr.1 » ? Selon la DIRECCTE, tous ces salariés seraient interchangeables.

Le nombre final de licenciements ne peut pas être supérieur à celui annoncé. Car, qu’ils soient consentis ou contraints, ce sont bien des licenciements au motif économique dont on parle. Or, avec le « Plan de départ volontaire ouvert à tous », le nombre de licenciements va largement dépasser 1 541 (entre 200 et 400), valeur présentée comme maximale par la direction. La DIRECCTE n’a même pas pris la peine de faire les additions.

La jurisprudence AFPA, ça énerve en haut lieu !

Le jugement du TGI de Bobigny commence à faire jurisprudence : il est étudié un peu partout sur le territoire dans les cours de droit du travail et même repris, tel quel, par le TGI de Nanterre qui devait se prononcer sur le plan de réorganisation d’une filiale de General Electric [2].

Aussi le ministère du travail via l’AFPA a-t-il fait appel de la décision du TGI de Bobigny ! L’enjeu est important : il s’agit pour Pénicaud et consorts de FAIRE CESSER CETTE JURISPRUDENCE. Car, que dit le jugement contesté par l’AFPA en appel ? Tout simplement qu’un employeur qui prévoit un plan de réorganisation avec un PSE doit s’inquiéter du sort et de la santé des salariés qui vont rester. Il a ORDONNÉ à l’AFPA de produire un Plan de Prévention des Risques (PPR) AVANT de mettre en œuvre le PSE.

L’audience d’appel prévue le 24 janvier a été renvoyée au 2 avril, en raison de la grève des avocats en lutte contre la réforme des retraites… Et là encore, SUD FPA sera partie prenante. Nos demandes : faire respecter l’ordonnance du TGI de Bobigny, car malgré ce qu’elle affirme, la direction de l’AFPA n’a jamais produit de Plan de Prévention des Risques.


Que se passera-t-il ensuite ?

Tout dépend. Il y a 4 hypothèses à étudier, en fonction de la Cour d’appel et en fonction du Tribunal Administratif :

  • L’AFPA perd devant la Cour d’appel : Le jugement du TGI est conforté, et le plan sera suspendu (de nouveau) jusqu’à ce que l’AFPA ait produit un plan de prévention des risques pour les salariés qui vont rester (particulièrement les formateurs et les assistantes, a dit le tribunal) ;
    • L’AFPA gagne devant la Cour d’appel : Le jugement du TGI est annulé, l’AFPA n’a pas à produire de PPR, les licenciements peuvent commencer ;
    • SUD FPA gagne au TA face à la DIRECCTE : Le PSE perd son homologation, la direction doit présenter un nouveau plan, ou bien renoncer aux licenciements ;
    • SUD FPA perd au TA face à la DIRECCTE : Il nous restera la Cour d’appel administrative, mais on n’en est pas là.

Quelles conséquences si l’AFPA perd, pour ceux qui seront partis ou qui doivent partir ?

Les retraités verront juste leurs indemnités de départ changer de régime fiscal et social. Ceux qui auront quitté l’AFPA pour un CDI ailleurs, peu de probabilité qu’ils reviennent. Ceux qui avaient été retenus à la loterie des 30 mois devront attendre que l’AFPA se mette en conformité avec la loi, et d’ici là, devront rester (ou revenir) à leur poste de travail.

Quelles conséquences si l’AFPA perd, pour ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient pas partir ?

Le risque de se voir licenciés dans quelques semaines s’éloigne à nouveau, avec en plus l’espoir que soient enfin prises en compte les souffrances que la désorganisation actuelle fait subir à tous.

[1] Les décisions de l’administration peuvent être contestées, non devant les tribunaux ordinaires, mais devant les tribunaux de la justice administrative.

[2] L’État a même dépêché M. le Préfet des Hauts de Seine qui se serait écrié à l’audience : « Ah non ! Vous n’allez pas faire comme à l’AFPA ». Référé du 11 décembre 2019 GE Grid Solutions.

25 février 2020 4:45 Publié par