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A qui bénéficie la réforme de la formation professionnelle ?

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On pourra bientôt directement acheter de la formation sur un smartphone ! On peut en rire en BD, mais la RÉFORME DE LA FORMATION
va aussi impacter l’Afpa. SUD FPA a étudié ce lourd dossier et partage son analyse.

Gaspillages, inerties, dispositifs inefficaces, la formation à mauvaise réputation. Critiquée de toutes part, elle ne cesse d’être bousculée, réformée, régionalisée, libéralisée sans amélioration notable pour les publics.

Le nouveau gouvernement apporte sa contribution à cette déstabilisation permanente et nous promet son « Big Bang » de la formation professionnelle.

SUD FPA observe que les mesures annoncées donnent priorité aux besoins des employeurs et surtout au business de la formation. Dommage pour les chômeurs et les salariés qui méritent d’autres réponses…

 

Mai 2017, jugeant le système français de formation « Pas à la hauteur des enjeux de notre temps et aux des attentes des citoyens », le candidat Macron promet une sécurité professionnelle incluant de nouveaux droits à la formation et à la qualification tout au long de la vie. Il est alors question de mettre en place deux millions de formations dans le cadre d’un grand plan de quinze milliards d’Euros.

Mars 2018, les partenaires sociaux traduisent la feuille de route que le ministère du travail leur a confié. On retrouve dans l’accord national interprofessionnel (ANI) et son bonus BIGBANG bon nombre d’éléments du programme électoral Macron.

Le CPF solution mirage passe à l’Euros

Dans cette réforme le Compte personnel de formation (CPF), qui avait remplacé le DIF sans convaincre, se voit promu solution pour accéder à la qualification. L’objectif paraît bien ambitieux quand on le rapproche des 5 000 €, plafond de ressources disponible pour la majorité des personnes (obtenus laborieusement après 10 ans de travail au rythme de 500€/an).

Répondant au vœux des lobbys de la formation, la ministre impose l’unité de calcul, désormais il ne sera plus question d’heures mais d’Euros.
Les formateurs savent qu’au delà des questions d’argent apprendre un métier est avant tout une question de temps.

Comment s’y prendre avec une somme qui offre accès à un peu plus de 400 heures de formation présentielle ? Au regard des moyens disponibles les stagiaires n’auront tout au plus droit qu’à quelques modules. Ils quitteront leur stages avec des morceaux de compétences plutôt qu’avec une qualification à un métier.

Pour aller plus loin il leur faudra trouver d’autres ressources ou à défaut convaincre leur banquier. Autre question en suspens il n’est nulle part question du remplacement des salariés qui partent en formation. Dans la pratique cela risque de poser problème !

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Pour aller se former il suffira de cliquer

Plus légère mais aussi plus souple, non il ne s’agit pas d’un programme de remise en forme mais de la future application mobile dédiée au CPF. Autrement dit bientôt chacun pourra directement acheter sa formation depuis son smartphone. il suffira de choisir sa formation en s’appuyant sur les avis des consommateurs et en comparant le prix de la même manière que l’on réserve un hôtel ou l’on achète un casque audio.

Vive les boutiques magiques du numérique

La formation enfin libérée, il est venu le temps des marketeurs pédagogiques qui numérisent la formation et franchisent leurs boutiques partout en France. Libéralisation du CPF, monétisation et application de type boutique en ligne, la réforme de la formation paraît écrite par les marchands de stages.
Pour se distinguer et capturer de nouveaux clients c’est déjà la surenchère des promesses commerciales « l’emploi à l’issue de la formation ou remboursé », «se former sans quitter son canapé » qui malheureusement n’engagent que ceux qui y croient.

Le Congé individuel de formation vendu en version allégée

Le CIF est reconnu comme un outil efficace pour les salariés ou les chômeurs qui veulent reconvertir. Il est ouvert à tous, à titre d’exemple 82 % des CIF en Ile-de-France sont au bénéfice des employés ou des ouvriers. Ce dispositif pour corriger les inégalités ne satisfait pas le gouvernement qui projette d’en prendre le contrôle et de le rebaptiser CPF de transition professionnelle. Dans l’affaire le dispositif perd 50 % de son financement les entreprises ne cotisant plus qu’à hauteur de 1 % au lieu de 2 % précédemment.

Le projet réduit le rôle des Opacif et des Opca au profit d’une agence nationale «France Compétences» (fusion des FPSPP, CNEFOP, COPANEF). Cette nouvelle structure issue des organismes chargés du CPF, dont le bilan est peu convainquant, sera-t-elle en mesure d’assurer cette mission?

L’orientation devient un marché comme un autre

La question de l’orientation est largement développée dans l’ANI. Ce service nommé Conseil en évolution Professionnelle (CEP) serait en principe gratuit. Chapeauté par le tout nouveau France Compétences, le choix des prestataires serait libéralisé sous forme d’appel d’offres.

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Tout apprendre par l’apprentissage

Lors des négociations le patronat et les régions se sont crêpés le chignon pour s’approppier la cagnotte de 1,6 milliards d’euros et la gestion de l’apprentissage. L’État a préféré confier le dossier aux branches professionnelles c’est à dire aux patrons et il souhaite largement promouvoir l’alternance à tous les échelons. Les régions précédemment en charge du dossier avaient déjà beaucoup investi. La mise en place coûteuse des centres d’apprentis peine pourtant à réussir.

Main d’oeuvre bon marché les apprentis rejoignent bien souvent la catégorie des employés jetables. Avec 35 % des contrats d’apprentissage rompus et seulement 35 % de placement à l’emploi, les statistiques sont très éloignées des résultats des formations professionnelles de l’Afpa. Rien n’indique que le nouveau cadeau fait aux employeurs et les compagnes promotionnelles ne transformeront l’alternance en emploi durable.

Le grand dérangement des Opca et autres organismes paritaires

La gestion de la formation va être restructurée, les nombreux Opca seront remplacés par des opérateurs de compétences. Façon Canada Dry, ceux-ci seront toujours gérés paritairement mais ils perdent leur pouvoir de collecteur de fonds. Cette reprise en main motivée par les rapports dénonçant l’opacité, les fraudes et les gaspillages de l’argent de la formation permet à l’État de reprendre le pouvoir. Pour agir réellement contre les fraudes il faudrait aussi se donner les moyens de contrôler la collecte et l’utilisation des fonds de la formation. Malheureusement les unités chargées de ce travail manquent de moyens et leurs effectifs continuent de chuter.

Comment PIC et BIGBANG s’attaquent au chômage de masse

On attend toujours des informations précises sur la mise en œuvre du PIC (Plan d’investisement pour une société de compétences). Promesse du candidat Macron, il avait été présenté en grande pompe comme une bouée de sauvetage pour les demandeurs d’emploi et les jeunes sans qualification. SUD FPA souhaite que les moyens mis en place soient à la hauteur des ambitions.

Le Ministère de Travail nous indique qu’il s’agit de proposer des formations de longues et qualifiantes mais aussi d’accompagner de manière individualisée les personnes. Si ces deux points paraissent sur le principe aller en direction de formations de qualité, certains axes évoqués tel que le développement des formations à distance laissent penser que l’attention au public en difficultés reste superficielle et que la réduction des coûts via le numérique et la libéralisation de la formation avance masquée dans ce projet.

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Dans l’immédiat le BIGBANG promis marchandise encore davantage la formation professionnelle et bouleverse dangereusement les organisations. Il y a fort à parier que la mise en place des structures et de leurs procédures paralyse les acteurs en attente des nouvelles consignes et que le fonctionnement de la formation professionnelle en pâtisse.

Quand va-ton comprendre que la fragmentation des politiques régionales et que l’absence de continuité est coûteuse et qu’elle nuit aux résultats de la formation professionnelle? Ces politiques saisonnières empêchent à la fois les professionnels de travailler de manière sereine et un grand nombre de personnes de suivre des formations de qualité.

SUD FPA demande le rétablissement d’un service public de la formation professionnelle qui permette de se former partout en France de manière égalitaire.

 

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30 mars 2018 7:05 Publié par